Quand Mouphtaou Yarou fait un assist à la jeunesse béninoise.

 

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Un assist est une passe décisive. Ce terme très souvent utilisé par les joueurs de Basketball et commentateurs americains est devenu partie intégrante du vocabulaire de tout basketteur qui se respecte.

Rien ne le prédestinait au Basket dans un pays ou le Football est roi, mais il deviendra le 1er basketteur professionnel du Bénin. Mouphtaou Yarou est un enfant des 90’s originaire de Natitingou. Depuis tout jeune, il est le moins fort de sa fratrie. Une fratrie de 13 frères et soeurs d’où son numéro 13.

A 16 ans, il va en Virginie au lycée militaire où la rigueur et l’exercice le forment. Il obtient une bourse d’études pour l’université de Villanova où il décroche son Bachelor en finance internationale. 4 années pendant lesquelles il jouera en NCAA sous les couleurs de son université.

En 2013, Mouphtaou Yarou se présente à la Draft NBA, mais sans succès, il décide alors de partir en Serbie pour une aventure qui tourne court. Son séjour en Serbie s’achève pour des raisons « disciplinaires » mais il y a laissé sa trace: meilleur rebondeur de la saison. Apres la Serbie, direction Le Mans Sarthe Basket, en France.

Le championnat français de Pro A est souvent minimisé, et pourtant Mouphtaou a dû réadapter son jeu à ce championnat où il trouve les postes 4 plus mobiles et plus athlétiques. Dans son portrait pour Le Mans, il dit lui même qu’il joue pour l’équipe, que c’est à lui d’influencer l’équipe adverse, de protéger son meneur et ses coéquipiers… comme au foot américain. C’est un joueur altruiste.

J’ajouterais également à ses belles valeurs, le caractère exemplaire que rapporte son entourage en club,  ainsi que sa volonté de montrer aux jeunes du Bénin qu’ils peuvent réaliser leurs rêves. Étant plus jeune, il regardait Amara Sy et ses autres idoles de Pro A sur Canal+. Aujourd’hui, ce sont ces jeunes qui le regardent sur Canal+ avec les mêmes étoiles dans leurs yeux.

Du 2 au 5 Août dernier, Mouph’ a choisi d’aider la jeunesse béninoise à aller de l’avant par l’intermédiaire de son camp de Basket. Notre champion de Pro A 2016 a gentiment accepté de passer du temps avec moi pour le plus grand bien du basket béninois 😜 !

Chilling session, random questions!

💂 Comment as-tu obtenu ta bourse pour Villanova ?

J’ai fait 2 ans de prep’ school. Le meilleur ami de mon frère a tout fait pour me faire venir. Il était coach aux USA et m’a aidé pour l’inscription.

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Mouph’ à droite et Erin Andrews au milieu

💂 Alors la NCAA, raconte !

Lors du Game Day, ESPN est venu et j’ai eu l’occasion de rencontrer Erin Andrews. Ce même jour, j’ai eu mon meilleur match de la saison. En 1ère année, nous avions joué a Syracuse et il y avait 40.000 personnes dans le stade. Pour un Béninois, c’était énorme.

💂 Quelles stars as-tu pu rencontrer ? 

J’ai rencontré Kevin Durant. On était dans le même lycée mais il a fini 3 ans avant moi. J’ai été avec lui l’été car nous avions le même coach au lycée. Et j’ai joué contre Greg Monroe.

💂 Greg Monroe est comment sur un terrain de basket ?

Il est bon. Il peut passer. Il peut tout faire. J’ai également joué avec Terence Ross, nous étions roommates, j’ai encore des photos. Sinon, j’ai également rencontré Demarcus Cousins, Kobe…

💂 Demarcus Cousins ?! Est-ce que ce que l’on dit sur lui est vrai? Est-il si imposant que ça dans le jeu ?

Oui, il est plus énorme que moi, beaucoup plus. J’ai également rencontré Kobe, puis on a test! J’ai vu beaucoup de joueurs. Je suis allé au camp de Lebron, de Amare Stoudemire, de Chris Paul. J’ai même rencontré Michael Jordan! Au lycée, j’ai été sélectionné parmi les 24 pour le Jordan All star. Voilà comment j’ai pu le rencontrer. C’était magique! Mais pas autant que quand j’ai vu James.

💂 James ?! Jordan ou Lebron? 

Lebron. Je pense qu’il prend beaucoup moins de shoots. Il score beaucoup, il passe, il rend les équipes meilleures. Il a été à Miami certes, mais sans lui Cleveland n’allait pas en playoffs. Il les a rendu meilleurs. Prenez Smith et Shumpert qui n’étaient rien à New York. Jordan par contre avait beaucoup de pièces autour.

💂 Pourquoi avoir choisi la Serbie? 

En réalité, je n’avais plus rien. C’était la meilleure option. En effet, ils jouaient l’EuroCoupe, 2ème meilleur championnat d’Europe après l’Euroleague. Je me suis dit que c’était ma chance. Apres la NCAA, j‘ai été coupé par Golden State. Comme beaucoup de joueurs draftés au 2nd tour finissaient par se retrouver là-bas, j’y suis allé.

💂 Peux-tu nous expliquer ce qui t’a réellement bloqué en Serbie? J’ai entendu parler de « soucis disciplinaires »…

La Serbie ne me payait pas. Après 3 mois, je n’avais rien. Mon agent m’a alors demandé de partir. Ils ont parlé de discipline pour se trouver une raison. Moi, je leur ai pardonné. Mais, cela m’a beaucoup appris.

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💂 En Pro A, quelles ont été tes difficultés en dehors des postes 4? 

S’adapter au jeu. En Serbie, on pratiquait un vrai basket sur demi terrain. J’ai dominé en Eurocoupe. Mais en France, ça court beaucoup, ça contre-attaque donc c’est plus physique. Il faut aussi dire que j’avais passé 1 an sans jouer. Je devais retrouver la forme. La suite a été beaucoup plus facile.

💂 Tu es militaire, basketteur, et financier. Altruiste et solide. Si tu devais te voir en un personnage connu, ce serait qui?

C’est une question plutôt difficile. Martin Luther King. Il pense toujours aux autres, à les aider. Il a une certaine confiance en soi. Il dégage la paix.

💂 Moi, je penserais plutôt à quelqu’un de totalement différent: Obelix, un géant, très rassurant, bienveillant, « someone who got your back ».

En effet, c’est un plutôt bon exemple. 😂

💂 Qui t’inspire le plus?

Ma mère,🙊 ou tout simplement mes parents. Le père de ma famille d’accueil également m’inspire beaucoup. Il ressemble d’ailleurs à Obélix (grand, gros ventre, altruiste 😅). En vrai, beaucoup de gens. Je suis moi même le produit de toutes ces personnes qui m’ont aidé.

💂 Quelle est ta plus grande peur dans la vie?

Ne pas vraiment aider le monde. Ne pas avoir d’impact sur ma communauté, sur les jeunes. Mais, j’ai déjà fait un 1er grand pas avec le camp et cela me rassure.

Le camp de Basket Mouphtaou Yarou

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💂 Raconte-nous une journée type au camp Mouphtaou Yarou.

La première fois, chacun se présente. Chaque jour, on débriefe sur la veille. On leur explique qu’il faut être passionné pour jouer au basket, pour pouvoir surmonter les difficultés. On leur explique également qu’il faut qu’ils s’amusent. On fait des étirements. On leur apprend les fondamentaux, le shoot, comment défendre. Ensuite, ils jouent des matchs.

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💂 Quelles valeurs souhaites-tu inculquer aux jeunes à travers ton camp?

La discipline, « being coachable » comme on dit. Prendre le bon coté des choses et laisser le mauvais. On essaie de leur inculquer la passion du jeu mais également le « hard work ». En vrai, ils sont déjà porteurs de valeurs. Notre rôle est de les pousser à continuer à travailler dur même dans la fatigue.

💂 Qu’est-ce qui te motive à rentrer pour initier un tel camp? 

C’est la 1ère édition. Mais j’y pensais depuis la fac…

💂  En effet c’est une pratique courante chez les basketteurs de faire ce genre de camp.

Mes amis Sénégalais sont rentrés chez eux faire des camps. Les américains en font chez eux. Je me suis dit que je pourrais initier cela dans mon propre pays. Ce sera ma pierre à l’édifice.

💂 Comment ce camp est-il financé?

Cette édition est financée sur fonds propres. L’an prochain, avec les images de cette année, je serai en mesure de faire participer des sponsors comme Nike ou encore Under Armor. Mais en attendant, cela me fait tout de même plaisir de le faire.

💂 Les pouvoirs publics et les autorités compétentes t’accompagnent-ils? 

La salle est donnée par Mr Paraïso Alex (président de la Fédération de Basketball). Les coachs sont là bénévolement. Le Hall des arts nous a offert l’hébergement pour les jeunes venus du Centre et du Nord. Plusieurs personnes nous ont aidé. Toi également à ta manière , tu nous aides en relayant cet événement.

💂 De toutes les façons tant qu’il s’agit de basketball, tu peux me demander ce que tu veux, je ne dirai jamais non, même si il s’agit de coacher les enfants. Tant que c’est du basket, j’adore !  

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💂 Tu organises un camp de détection et de perfectionnement des jeunes talents, comment reconnais-tu un talent ?

Physiquement d’abord. Mais, le plus important c’est l’attitude dans le jeu. Jouent-ils pour leurs coéquipiers? Sont-ils prêts à se sacrifier pour l’équipe? J’ai vu des petits talentueux mais qui sont dans leur propre monde, tout comme j’ai vu des filles dans ce camp ramener à l’ordre des garçons et faire preuve de leadership.

💂 Quel suivi est fait des talents qui sont découverts?

Les meilleurs ou les plus grands, ça déprendra de la fédération. Mais, on va essayer de les faire partir. Ils iront dans un lycée aux USA ou un centre de formation en Europe. Ils auront tous les coachs qu’il leur faut et ils seront bien accompagnés.

💂 Quelles sont tes ambitions pour ce camp? 

Je souhaite le refaire chaque année. L’an prochain, nous souhaitons voir plus de jeunes (100 à 150), ça leur fera aussi du network, pour discuter, échanger et voir comment grandir ensemble. J’aime passer du temps avec eux, leur montrer que je suis comme eux. Il y a un sentiment d’infériorité qu’il faut effacer. Je parle le Bariba, le Dendi, le Fon avec eux pour leur montrer que je suis Béninois, pas Américain.

Le Basket béninois, parlons-en !

💂 As-tu été jouer sur un playground depuis ton arrivée? 

Non, mais en général, chaque année, quand je rentre, je vais jouer en playground. Je joue souvent au campus avec mon frère et des amis ou encore à la maison du peuple à Agla.

💂 Comment évalues-tu le niveau du basket béninois?

Le niveau est bas ici. Il y a une grosse différence. Aux USA, les gens jouent avec l’envie de gagner. Ici ,c’est juste jouer, s’amuser, passer du temps. C’est pas la même mentalité.

💂 Que penses-tu de l’état du Basket au Bénin? 

Le basket béninois grandit. J’ai parlé avec plusieurs Clubs et ils ont maintenant des centres de formation poussins et minimes. Il faut que l’on arrête de ne penser qu’à l’équipe nationale. Tout se construit. En période d’éliminatoires, ce sont les locaux qui jouent, la diaspora étant occupée en saison. Pour avoir une bonne équipe nationale, il faut commencer avec les jeunes. Beaucoup de coachs ont déjà commencé à faire cela. Un camp a été organisé récemment à Porto-Novo et ils ont déjà une classe sport-études.

💂 C’est quoi ton move?

Hook main gauche. En général je vais au milieu, comme si j’allais faire un fade-away, puis je fais un step back. En finale de coupe de France, nous avions besoin d’un panier très important. Le défenseur avait anticipé mon action mais j’ai quand meme marqué de cette façon. Après ma blessure, j’ai dû modifier mon jeu. Depuis, je suis plus axé sur le shoot.

💂 As-tu des ambitions pour le basket béninois? Des projets?

Partout, l’on dit des Béninois que ce sont des docteurs, des intellectuels. Il faut que l’on arrive à laisser cette mentalité. Il faudrait arriver à combiner les sphères du sport et de l’éducation. Mes ambitions sont axées sur la formation à la base. Cette dernière donne également une certaine confiance en soi aux jeunes.

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Bonus

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Crédit photos: Yanick Folly


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